Seule cathédrale en Belgique construite dans l'esprit d'un sanctuaire
italien baroque, elle fut édifiée entre 1751 et 1767 sur les plans d'un
architecte tessinois, Pizzoni, auquel on doit notamment la cathédrale de
Soleure en Suisse.
Namur n'est devenu siège d'évêché qu'en 1561, et la cathédrale choisie
fut la collégiale Saint-Aubain, édifiée en 1047 par le comte de Namur
Albert II. Vétuste, elle fut définitivement endommagée par la crue de
1740. Stimulés par la construction du palais épiscopal, les chanoines
voulurent alors faire neuf et beau. Ils firent démolir l'ensemble,
excepté la tour sud, du XIe siècle, robuste construction
en pierre de deux niveaux quasi aveugles, supportant un étage des cloches
réédifié et coiffé d'un clocher baroque en 1648. Celui-ci se trouve à
l'arrière du sanctuaire actuel. Pour répondre à un souci d'urbanisme,
entre la cathédrale et le palais épiscopal, on ouvrit une place
débarrassée de l'église paroissiale Saint-Jean l'Evangéliste et du
cimetière qui l'encombraient. Le chantier, dirigé par l'architecte
Chermanne, fut si difficile et si coûteux que les chanoines ne purent
respecter en son entier le programme de Pizzoni. Souhaitant un intérieur
homogène, ils se défirent de la presque totalité du mobilier ancien. En
1796, lors de l'expulsion, tout le contenu de la cathédrale fut dispersé
ou caché. Le bâtiment fut sauvé et transformé en Temple de la Loi.
Réouverte après le Concordat, en 1803, la cathédrale fut remeublée
d'apports divers. Au XIXe siècle, il fallut refaire la
façade à l'identique, statues comprises, car les pierres étaient gélives.
A l'extérieur, contrairement au reste de l'édifice bâti de brique et de
pierre, la façade principe est entièrement en petit granit. Pilastres
corinthiens ou composites, frontons courbes ou triangulaires, médaillons,
entablements puissamment moulurés, niches, balustrades, vases décoratifs
et statues monumentales, tout ce vocabulaire baroque théâtral qui
pourrait être pesant est adouci par la ligne de la façade qui ondule
harmonieusement : l'Sentrée de la grande nef est mise en évidence, tandis
que s'effacent celles des deux nefs latérales. La coupole légère, posée
sur un haut tambour qu'éclairent de grandes fenêtres sous fronton
triangulaire, s'élance à la croisée du transept. Elle apparaît dans toute
son élégance dès que, sur la place, on prend du recul et que l'on
s'écarte de l'axe du monument.
Ce qui frappe à l'intérieur, c'est la lumière, venant de la coupole, des
vingt-quatre fenêtres hautes, des baies en demi-lune des bas-côtés et des
chapelles. L'enduit clair recouvrant les murs renforce la luminosité.
L'ensemble, en forme de croix latine, est monumental par son élévation et
par son décor : pilastres à chapiteaux corinthiens, frise, corniches
saillantes à modillons, voûtes en berceau ouvragées, grandes figures
féminines, dans les pendentifs de la coupole (La Foi, l'Espérance, la
Charité, la Religion), têtes d'angelots ailés. Tout est en stuc. Le
pavement est en marbre : une grande étoile de marbres de couleur dessinée
par Dewez décorait le sol à la croisée du transept. Elle est recouverte
partiellement par le podium, voulu par l'adaptation à la nouvelle
liturgie. Le jubé de marbre de Saint-Remy (Rochefort) est du
XIXe siècle. Le mobilier est intéressant : le
maître-autel du XVIIIe siècle en marbre de Saint-Remy
provient de l'abbaye de la Ramée, le Christ en bois peint
(XVIIIe siècle) vient de celle de Villers, toutes deux
en Brabant, la Vierge de bois peint en blanc, Notre-Dame de la Paix,
appartenait autrefois à l'abbaye bénédictine namuroise du même nom et le
Saint-Aubain, portant sa tête dans les mains, date du
XVIIIe siècle. A l'arrière de l'autel, une dalle de
marbre noir rappelle le souvenir de Don Juan d'Autriche, fils naturel de
Charles Quint et vainqueur des Turcs à Lépante, qui est mort à Bouge en
1578. Elle ferme la cavité où fut déposée l'une contenant les viscères du
prince. Les statues de saint Pierre (avec les clés) et de saint Paul
(avec le livre), d'une belle robustesse, sont en marbre de Carrare ;
elles appartenaient à l'abbaye de Florette et sont généralement
attribuées à Faid'herbe, de l'école anversoise (XVIIe
siècle). Toujours dans le choeur, on découvre les stalles de menuiserie
namuroise du XVIIIe siècle, parmi lesquelles celle de
l'évêque de Berlo se distingue avec un élégant morceau de style rocaille.
Au-dessus des stalles, les toiles du peintre jésuite Nicolaï qui ornaient
autrefois l'église Saint-Ignace représentent des scènes de la vie du
Christ, très influencées par Rubens. Sur les travées hautes du choeur,
les quatre grands tableaux décoratifs représentant des épisodes de
l'enfance du Christ sont dus non à Reumont mais au peintre allemand
Loder, qui vécut un temps au château de Franc-Waret (vers 1760). A la
croisée, les quatre statues des docteurs de l'Eglise sculptées par
Laurent Delvaux vers 1740 pour la bibliothèque de l'abbaye de Florette
sont d'un baroque assagi (saint Ambroise avec sa ruche, saint Augustin
avec le coeur enflammé, saint Grégoire avec la tiare et la colombe et
saint Jérôme avec le chapeau de cardinal) ; les autres tableaux ne sont
que de bonnes répliques anciennes. A signaler, l'aigle-lutrin en
dinanterie du XVe siècle, la grille rococo placée devant
l'autel paroissial, les autels des chapelles latérales, les confessionnaux
du XVIIIe siècle, la chaire de vérité due à Geerts
(1848), ainsi que les mausolées des évêques.